Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé les bêtes. A poils ou à plumes, peu m’importait tant que j’avais de quoi câliner, cajoler, admirer. Et si je rêvais – plus ou moins secrètement – d’un compagnon qui me suivrait où que j’aille, tel Kafi ou Dagobert, mes parents n’ont jamais osé aller au delà de la barrière symbolique du lapin nain – et quels merveilleux compagnons à longues oreilles j’ai eu ! Adulte, je n’ai pas de suite franchi le pas : les enfants sont venus en premier, prenant le place vacante. Toute la place ? Certes pas : c’eût été me trahir que de tirer un train sur mon amour pour nos amis à pattes. Un enfant, deux, puis trois, et la certitude que, si notre famille n’est pas encore complète, ce n’est guère un bipède de plus qui viendra régler la question. L’idée est là, prégnante, obsédante, mais les circonstances freinent : l’appartement, déjà trop petit à 5, la voiture, la maison qu’il faut acheter, les finances à surveiller… Il y a toujours plein de bonnes raisons de ne pas sauter l’obstacle. Et puis, comme un fait exprès, c’est le concours de circonstances qui se produit : je me renseigne, on me répond, j’apprends qu’il y en a un, un et unique, deux petits sourcils noirs qui lui donnent l’air un peu méfiant, une minuscule liste blanche sur le haut de la tête, et cet air irrésistible qui nous fait fondre, nous, les cœurs d’artichauts. Papa freine, des quatre fers, il faut bien que quelqu’un garde la tête froide, ici. Trop cher, trop loin, trop tout. Mais ce toutou, il est déjà à nous, dans nos cœurs et dans notre tête… Une semaine plus tard, 22 mai 2022, la voiture arrive, je trépigne comme si j’allais de nouveau rencontrer mon grand amour… Et, le fait est ❤ Un an, des centaines de kilomètres de balade, des heures de câlins et des tonnes de principes foulés au pied plus tard, me voici, toujours ivre du bonheur de sentir sa fourrure sous mes doigts, honorée de recevoir sa confiance et ses marques de tendresse, jour après jour.
Bref, quand je suis tombée sur le roman de Cédric Sapin-Dufour, c’était une évidence. Parce qu’il est vrai – et si mes proches lisent ceci, ne le prenez pas mal – que peu de gens comprennent les sentiments qui me lient à « mon » chien, hormis ceux partageant cette idée qu’il est plus qu’un animal à dresser, plus qu’une simple coche pour parfaire le tableau de la famille bien rangée. Lire ce roman était un plaisir pris égoïstement, et le moment était sacré : lui contre moi, la nuit tombée, ma main sur son poitrail, et peu importe que je sois par terre plutôt que sur le canapé.
Résumé
C’est une histoire d’amour, de vie et de mort. Sur quel autre trépied la littérature danse-t-elle depuis des siècles ? Dans Son odeur après la pluie, ce trépied, de surcroît, est instable car il unit deux êtres n’appartenant pas à la même espèce : un homme et son chien. Un bouvier bernois qui, en même temps qu’il grandit, prend, dans tous les sens du terme, une place toujours plus essentielle dans la vie du narrateur.
Mon avis
Je m’y attendais. J’ai commencé ma lecture, et je m’attendais à avoir le cœur serré, la larme à l’œil, le ventre noué. Je m’attendais à célébrer à travers les mots de l’auteur l’amour que j’ai pour mon chien, je m’attendais à quitter plus que de raison mon roman des yeux pour les plonger dans les siens. Je m’y attendais, et pourtant, j’ai sauté dedans à pieds joints, me suis délectée de la poésie de sa plume, de la tendresse qui émane de chacune de ses pages, ai frémi devant cette inéluctabilité qui rend tous ces instants tellement, tellement précieux.
Cédric Sapin-Dufour nous offre un ouvrage puissant, où l’amour est roi et le romantisme jamais mièvre. Les humains ne s’y avancent pas en maître mais en compagnon, le dialogue est muet et pourtant rempli de cette complicité qu’éprouvent les âmes-sœurs. Évidemment, tous ne trouveront pas écho dans ces pages, je dirais même que l’auteur s’adresse à un public tout à fait restreint : mais vous, qui considérez votre ami canin comme votre double, vous ne pourrez manquer d’être touché par cette ode intimiste à cette relation merveilleuse qui unit deux êtres envers et contre tout, et surtout contre le temps. Car à travers Ubac, ce merveilleux bouvier bernois auquel au s’attache avant même qu’il ait posé une patte dans le roman, et le narrateur, c’est notre amour qui se joue, qui s’envole et qui virevolte, sous la plume décidément magnifique de l’auteur. Les mots sont justes, toujours, les formules percutantes et magnifiques. Les miens semblent bien vains en comparaison, aussi vous laisserai-je avec ceci :
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